La question : l'employeur peut-il subordonner l'application d'un accord collectif à la signature d'un avenant de la part des salariés à leur contrat de travail ? Par exemple : l'accord collectif instaure une nouvelle prime, mais pour la percevoir les salariés doivent signer un avenant à leur contrat de travail dans lequel ils renoncent à une autre prime qui étaient prévue dans leur contrat de travail.
Eléments de réponse
Par un arrêt commenté au rapport annuel, la Cour de cassation a jugé « que la mise en œuvre d'un accord collectif dont les salariés tiennent leurs droits ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction » (Soc. 5 avril 2005, nº 04-44626 à 04-44634, Bull. nº 124).
Comme le souligne le Professeur Mouly (Droit social 2005. 701), la règle révélée par la Cour de cassation trouve difficilement son fondement dans les trois textes du visa de l'arrêt :
- la référence à l'article L 132-4 ancien / L 2251-1 du code du travail est « relativement énigmatique » puisque ce texte est celui qui règle les rapports entre la loi et l'accord collectif selon la logique du principe de faveur,
- la référence à l'article L 321-4-1 ancien / L. 1233-61 et suivants nouveaux du code du travail n'est pas d'avantage éclairante puisqu'elle a trait au plan de sauvegarde de l'emploi,
- quant à la référence à l'article 2044 du code civil, elle ne renseigne que sur le fait que la transaction « est un contrat » par lequel les parties terminent une contestation née.
La solution reconnue en 2005 est désormais constante (Soc. 2 mars 2010, nº 08-45553 – Soc. 12 juillet 2010, nº 08-40740, Bull. nº 169 – Soc. 15 octobre 2013, nº 12-22911, Bull. nº 236).
L'apport des arrêts subséquents est intéressant et topique : la Cour de cassation est venue préciser que les indemnités étaient due « indépendamment de la signature des transactions » prévues dans l'accord collectif (nº 08-45553) parce que les salariés tiennent leur droit « directement » de l'accord collectif (nº 08-40740) et que la nullité de la transaction est d'ailleurs indifférente aux droits qu'ils tirent de l'accord (nº 12-22911).
Ce qui vaut en matière de transaction vaut aussi en matière d'avenant au contrat de travail : comme l'énonce l'article 2044 du code civil, la transaction n'est ni plus ni moins qu'un contrat dont la formation suppose un échange des volontés – qui précède également la conclusion d'un avenant au contrat de travail – l'un comme l'autre ayant la même force obligatoire tirée de l'article 1103 du code civil.
En somme, la logique juridique et la logique transitive concordent pour que soit jugées comme équivalentes la proposition selon laquelle « la mise en œuvre d'un accord collectif dont les salariés tiennent leurs droits ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction » et celle selon laquelle « que la mise en œuvre d'un accord collectif dont les salariés tiennent leurs droits ne peut être subordonnée à la conclusion d'avenants à leurs contrats de travail ».
Conclusion : sous réserve d'une confirmation nette et franche de la part de la Cour de cassation, on peut donc penser que
1. - l'employeur ne peut pas subordonner l'application d'un accord collectif à la signature d'un avenant de la part des salariés à leur contrat de travail2. - dans l'hypothèse particulière d'un accord collectif qui instaure une nouvelle prime, à condition pour la percevoir que les salariés signent un avenant à leur contrat de travail dans lequel ils renoncent à une autre prime qui étaient prévue dans leur contrat de travail, si les salariés refusent, ils ont droit au paiement de leur ancienne prime contractuelle (puisque le contrat de travail n'a pas été rompu) et au paiement de la prime instituée par l'accord collectif (puisqu'ils tirent leurs droits directement de l'accord collectif)