Question : peut-on former un pourvoi en cassation pour critiquer les motifs et le dispositif d'un jugement, si on a pas critiquer ces motifs et ce dispositif devant la cour d'appel ?
La jurisprudence de la Cour de cassation
1. - le principe
Il est jugé de manière constante « qu'est irrecevable devant la Cour de cassation le moyen d'un pourvoi qui, bien que formé contre un arrêt confirmatif, critique en réalité des chefs du jugement des premiers juges dont la connaissance n'avait pas été déférée à la juridiction du second degré » (Soc. 18 octobre 2017, nº 15-27883 ; Civ.1 14 octobre 2015, nº 14-23387 ; Soc. 23 mars 2011, nº 09-72588 ; Soc. 3 juillet 2013, nº 12-19268, Bull. nº 178 ; Soc. 1 décembre 1994, nº 92-13813 – Civ.2 5 décembre 1985 nº 84-16327, Bull. nº 191 – Civ.1 27 septembre 1983 nº 81-14965 – Civ.3 23 novembre 1977 n° 76-11125 Bull. n° 409 – Civ.3 29 avril 1975 n° 73-13175 Bull. n° 141 – Com. 18 mars 1975 n° 73-14402 Bull. n° 83 – Civ.3 17 mars 1975 n° 73-14316 Bull. n° 107 – Civ.2 28 mars 1974 n° 73-12360 Bull. n° 113 – Civ.3 27 juin 1973 n° 72-12844 Bull. n° 451).
Concrètement, cela signifie que si vous avez débouté d'une de vos demandes par le juge de première instance (conseil de prud'hommes - tribunal de grande instance ...), vous devez impérativement contester ce point dans vos écritures d'appel car si vous ne le faites pas, il sera impossible de faire un pourvoi en cassation sur ce point que vous n'avez pas contesté devant la cour d'appel.
Les raisons de cette règle sont difficiles à cerner.
Il semblerait que la Cour de cassation soit respectueuse du double degré de juridiction et incidemment qu'elle n'est pas envie de se transformer en cour d'appel : elle exige ainsi que la prétention d'une partie soit jugée par le premier juge et ensuite par la cour d'appel pour que le pourvoi qui lui soit déféré n'intervienne qu'au moment où deux juges du fond ont préalablement statué sur le bien fondé de cette demande.
2. - l'exception
Cette règle connaît pourtant une exception notable en vertu de laquelle :
- « n'est pas nouveau le moyen invoquant la violation d'une prescription légale, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond » (Com. 10 mai 2006 nº 04-19133 Bull. nº 118),
- « n'est pas nouveau le moyen invoquant la violation d'une prescription légale. Est par suite recevable le moyen par lequel il est fait grief à un arrêt d'avoir prononcé le divorce aux torts d'un époux sans constater que les faits imputés remplissaient la double condition prévue à l'article 242 du Code civil alors même que cette omission se trouvait déjà dans la décision des premiers juges et qu'aucune critique n'ait été formulée de ce chef dans les conclusions d'appel » (Civ.2 12 novembre 1980 n° 79-11823 Bull. n° 229).
Concrètement, cela signifie que le moyen tiré d'une prescription légale peut toujours être proposé même pour la première fois devant la Cour de cassation.
Les raisons de cette exception peuvent se trouver dans la circonstance que la Cour de cassation n'hésite pas, elle-même, à relever d'office les moyens tirés des règles de la prescription qu'elle considère comme de « pur droit » (Soc. 26 avril 2017, nº 15-25204, Bull. en cours – Civ.3 26 janvier 2017, nº 14-29272, Bull. en cours – Civ.1 7 octobre 2015, nº 14-16946, Bull. nº 837 – Civ.3 1 octobre 2014, nº 13-16806, Bull. nº 121 – Civ.3 9 septembre 2014, nº 13-18133 – Com. 8 octobre 2013, nº 12-21239 – Civ.1 3 mars 2010, nº 09-10732 – Com. 17 février 2009, nº 07-17711 – Civ.1 3 mai 2007, nº 06-16845 – Civ.2 25 octobre 2006, nº 05-10682, Bull. nº 287 – Civ.2 18 janvier 2006, nº 04-14674 – Civ.2 8 avril 2004, nº 03-11868, Bull. nº 166 – Civ.1 3 juillet 2001, nº 98-21743 – Civ.1 13 novembre 1997, nº 95-16183 – Com. 10 juin 1997, nº 94-18085, Bull. nº 181).
En somme, le rôle de la Cour de cassation est de vérifier que la règle de droit à été correctement appliquée par les juges du fond, elle n'a donc aucun intérêt à laisser dans l'ordonnancement juridique une décision de justice qui est entachée d'une erreur manifeste concernant la prescription, erreur qui apparaît à la seule lecture de la décision de justice (préc. supra nº 04-19133, Bull. nº 118).